LES PETITES HISTOIRES DU MONDE DES RÊVES

La folie, elle touche même la plus belle des âmes.
Une goutte de désespoir est un bon moyen pour faire tomber n’importe quel homme … Non ?

Le roi de Sibérie

Il se tenait là, au sommet de la montagne, au-dessus des nuages, au-dessus de la glace de ce monde aride.

Ses cheveux blonds lâchés, mêlés entre sang et sueur, laissant transparaître l’homme qu’il était. Le mortel se perdait, et souffrait pour son peuple. Mais sur ces terres, il était fatigué, il ne pouvait plus supporter le poids de ses responsabilités. Il ne voulait plus guider ce peuple, lui demandant sans cesse d'inhiber leurs souffrances.

Non, il ne voulait pas abandonner ! Il ne pouvait pas abandonner ! Il ne devait pas délaisser la torche que suivait son peuple dans l’obscurité. Il se devait de tout prendre, il se devait d’être roi … Même s’il a déjà trop souffert pour des êtres qu’il ne connaît pas …

NON ! Pourquoi pense-t-il ça ? Pourquoi ses pensées sont recouvertes par cette moisissure impossible à désinfecter ? Cette plaie était maintenue éventrée par ce monstre fongique ; laissant le froid le parcourir, tel une douleur gelée lui agrippant le ventre, le tirant vers le bas jusqu’à que ses genoux rencontrèrent la glace. Ses mains s’agitaient pour réchauffer vainement ce corps qui cristallisait, son cœur s’emballait, l’air s’absentait …

Tout n’était qu’une question de temps.
C'était la question de savoir ce qu’il avait tenté, ce qu'il avait tenté de gagner pendant toutes ces années … Il suffoquait … Il ne … pouvait pas laisser cette souffrance … Il ne … devait pas laisser cette sensation … parcourir ses sujets, il devait les guider ! Il devait les soigner ! Mais, il était trop tard.
Cette corruption parcourait déjà leurs veines.

Il ne veut plus l’entendre.
Il ne veut plus l’écouter.
Il ne veut plus être présent.

Sa main maîtresse, calmée par ces décisions, agrippa l’arme à son fourreau. D’une main ferme, il dégaina la lame rougeâtre illuminée par la lumière des bougies, cette couleur était symbole de puissance et d’espoir. Il savait que c’était faux, ce cadeau était empoisonné, cette puissance était sans barrière. Sans morale. Sans autre offrande que sa souffrance.

Il tendit le bras, la pointe de son arme visait la base de son cou. Il se devait d’arrêter cette folie, de suivre ses ancêtres, il se devait d’annihiler la souffrance !

Mais la lame ne savait pas quoi choisir, parcourant sa cible, hésitante sur l’endroit exact où elle devait prendre cette nouvelle vie. Hésitante, à le laisser expirer une dernière fois. Hésitante, à le ramener à la montagne.

Elle décida de ne plus viser, et de faire le grand saut, et s’enfonça dans la roche gelée. Déposée à même la glace, le poids de ses tourments s’enfonça dans la montagne. Contamina. Proliféra. Rampa tel un lierre sur un mur de pierre et dévora ceux qu’il avait toujours guidé.

Il ouvrit les yeux, face à l'épée de sang accrochée au sanctuaire figé, il ne sentait plus ce qu'il était, il avait condamné son libre arbitre contre une puérile illusion. Il ne restait plus qu'un mort-vivant, un sans-âme.

Mais, il était mort libre !

Le cadavre empli d'énergie épia avec jalousie les multiples ossements mêlés à la glace du sanctuaire.

Il s’éleva le sourire déguisé par l’illusion qu’il s’était imposé. Il embrassait maintenant ses craintes. Il abandonnait ce qui l’écrasait depuis tant de temps.

Le squelette caché par un costume de chair se précipita dans le torrent de neige, sautant de joie, heureux de supporter sa liberté nouvelle.